Depuis 2000 la Coobidiep travaille à l’amélioration des infrastructures scolaires et de l’habitat familial dans la région de Kamponde. Au début le projet s’axait principalement sur la construction d’écoles. Une évaluation du terrain a montré qu’il fallait aussi améliorer la qualité de l’enseignement pour que les enfants bénéficient d’une éducation scolaire d’un niveau acceptable. C’est pourquoi le projet de la Coobidiep que soutenait la Fondation Bridderlech Deelen de 2007 à 2011 prévoyait non seulement la construction d’écoles primaires, mais aussi l’agrandissement d’une école technique secondaire et l’amélioration de la qualité de l’enseignement dans les écoles existantes.

« Le bonheur goûte bien quand on le partage avec les autres! »

Joseph Kalamba 3web3

BD : « Comment est né le projet d'amélioration des infrastructures scolaires dans la région de Kamponde ? »

P. Joseph : « Notre petite Coopérative Bidiep Bidiep (ce qui veut dire dans notre langue vernaculaire « petit à petit », se développer en partant de soi-même d'abord) est née comme un défi pour diminuer tant soit peu la pauvreté matérielle envahissante sur tous les plans de la vie sociale dans notre région. Dès 1994 l'aventure avait commencé à Kamutanga: sans moyens financiers suffisants ni appui du diocèse et des sphères politiques de notre province je me suis engagé pour la cause de la jeune enfance et de la jeunesse rurale. La tâche était immense voire titanesque: sur toute la superficie de notre paroisse de Kamponde il n'y avait qu'une seule école en matériaux durables, à savoir celle située au centre de la « station centrale de la mission » où vivaient les pères missionnaires belges.

Au bout de trois ans de labeur ardu de la part de la Coobidiep et avec la participation de la population locale, l'école primaire Ntambue-Muenze de Kamutanga a été inaugurée et envahie de suite par une grande partie des enfants, dorénavant enthousiastes et résolus de prendre chaque matin le chemin de l'école. En effet, celle-ci n'était plus située géographiquement à une dizaine de kilomètres à parcourir chaque jour sous le soleil ou sous la pluie mais bien à quelques mètres de leurs cabanes familiales au centre du village.

BD : « Parlez-nous du changement que vous avez introduit dès le début dans cette première école. »

P. Joseph : « Ah, un bouleversement social de taille... Mon intuition me poussa à nommer une femme comme directrice de l'école au lieu d'un homme comme c'était jusque-là la tradition. Ce geste apparemment anodin fut un véritable « tremblement de terre » mental dans la tête de beaucoup de gens dans notre région en ce temps-là. En fait pour la toute première fois une femme accédait dans notre région à la tête d'une école, donc à un poste de commandement pour diriger les hommes! Tout le monde remarqua comme la directrice réussit à mettre de l'ordre, de la politesse, du respect, de la chaleur à l'école mieux qu'un homme! Mine de rien, une œuvre certes modeste mais palpable et féconde qui parlait plus que mille paroles sans effet. Cette école primaire de Kamutanga était la première construite par des mains africaines sur toute notre « paroisse-mère » de Kamponde. »

BD : « Pouvez-vous résumer les résultats des travaux de la Coobidiep des derniers dix-sept ans ? »

P. Joseph : « Quand on voit objectivement les quelques résultats positifs et palpables sur le terrain, nonobstant les obstacles de tout genre, les imperfections et erreurs inéluctables à notre condition humaine, quel progrès réalisé non seulement dans le processus de l'appropriation du projet mais aussi dans son impact qualitatif sur les bénéficiaires! Quelle joie immense dans mon cœur et celui de mes collaborateurs et collaboratrices aujourd'hui lorsque je vois comment le taux de scolarisation a complètement et positivement changé. Des 26 petits écoliers de Kamutanga qui ont démarré avec moi en 1994, il y en a aujourd'hui plus de six cent, rien que sur le « site central » de Kamutanga et de Ntambue-Muenze où arrivent beaucoup de jeunes venant de loin jusqu'à deux cent kilomètres pour y étudier assidûment et apprendre un métier! Plus de 50 écoles ont ouvert leurs portes dans toute la région depuis cette année mémorable ! Qui l'aurait cru en ce moment-là quand clopin clopant les choses se mettaient en marche!

En plus, un pas important a été franchi en 2009 : grâce au travail d'amélioration des infrastructures scolaires modernes effectué, la Coobidiep est devenue officiellement partenaire à part entière du gouvernement congolais qui lui a confié la gestion administrative et pédagogique des écoles avec « la Coordination des Ecoles Coobidiep ». Pour ne parler que des statistiques menées pour l'année 2010, la Coopérative comptait deux écoles maternelles, dix-huit écoles primaires et trente écoles professionnelles et secondaires pour garçons et filles sur une région géographique couvrant près de 120.000 habitants sur près de 150 Km du nord au sud. Les statistiques de l'année 2010 indiquaient un total de 9.252 garçons et 3.485 filles qui ont fréquenté nos Ecoles Coobidiep.

BD : « Vous avez parlé de la participation concrète de la population dans la réalisation du projet qui est importante quand on pense à l'appropriation du projet. Comment se traduit-elle ? »

P. Joseph : « La part de la population locale bénéficiaire n'est pas moindre dans la réalisation de ce programme ambitieux. Hommes et femmes doivent aller chaque matin creuser les termitières, fabriquer les hangars pour abriter et sécher les briques comme il pleut presque 8 mois par an chez nous. Les ouvriers de la coopérative pressent les briques à la main, construisent les fours des briques, coupent et transportent le bois pour pouvoir cuire durant deux à trois jours d'affilée lesdites briques. Les agents techniques de la coopérative prennent à leur tour les autres charges de la construction, de la menuiserie pour la charpente, les portes et fenêtres sans oublier les finalistes de nos écoles professionnelles pour la fabrication des bancs scolaires. Le même bâtiment scolaire dans un village est utilisé le matin par les enfants de l'école primaire et l'après-midi par les jeunes du secondaire. Cette formule a amené subitement un grand nombre des enfants et des jeunes à prendre chaque matin et avec joie le chemin de l'école autrefois fréquenté par une minorité et encore comme une corvée. »

BD : « Parlez-nous de la situation de la femme au Congo. »

P. Joseph : « Par l'appui de Bridderlech Deelen à la Coobidiep, non seulement pour l'amélioration des infrastructures scolaires mais aussi par le soutien de la campagne intensive de l'alphabétisation des adultes, BD a permis aux nombreuses femmes qui ne sont jamais parties à l'école de pouvoir, elles aussi lire, écrire et calculer, s'exprimer en public, avoir accès aux livres et bulletins scolaires de leurs enfants. Plus de 80% des femmes dans notre région ne savaient ni écrire ni lire et étaient ipso facto exclues du circuit moderne de la vie quotidienne.

Un réseau des formateurs et formatrices a d'abord été formé à cette fin pour pouvoir ainsi s'atteler à la tâche immense d'aider plusieurs adultes dont surtout les „mamans" à pouvoir lire et écrire. Un petit miracle social s'est produit un peu partout, malgré les hésitations du début, les découragements surtout des hommes africains jaloux de la perte de leur domination sur leurs femmes capables aujourd'hui non seulement de lire et d'écrire, mais aussi de recouvrir leur dignité élémentaire, de prendre conscience de leurs droits dans la gestion de leur propre production agricole et la commercialisation optimale de leurs arachides, manioc et haricots...

BD : « Quel est le nouveau projet qui a pris son envol en 2012 ? »

P. Joseph : « En 2012 un autre pas immense vient d'être franchi dans notre région: doter le monde rural d'un Institut technique supérieur pour former une grande partie de la jeunesse masculine et féminine aux techniques de l'agriculture et de l'éducation ou pédagogie moderne. Nous espérons ainsi former à la campagne et pour la campagne beaucoup de jeunes qui peuvent y rester comme « sel dans la pâte » rurale pour la transformer de l'intérieur et la propulser en avant. Des éducatrices et éducateurs formés selon une vision plus pratique de « voir-juger-agir », quelle manne providentielle pour nos écoles de la coopérative et celles des autres partenaires scolaires de l'Etat avec leur pénurie chronique en enseignants et en personnel de qualité! Avoir demain des jeunes vivant à la campagne et engagés demain dans leurs propres fermes familiales avec des techniques modernes d'agriculture et d'élevage, quelle formidable dynamique pour toute la région! Quand on sait que l'agriculture est le moteur économique de la population dans nos villages aux forêts et savanes immensément vastes et fertiles, comment ne pas tant espérer de cet Institut!

BD : « Pour terminer cet entretien, Père Joseph, qu'est-ce la « dignité humaine » pour vous ? Et, selon vous, dans quelle mesure la Fondation Bridderlech Deelen contribue-t-elle à soutenir votre organisation à faire en sorte que la dignité humaine soit davantage respectée dans votre pays ? »

P. Joseph : « La question de la « dignité humaine », je ne la vois pas « en l'air » comme une « définition dogmatique » ou « philosophique ». Je me situe dans le contexte social concret où avec la Coobidiep, nous nous sommes mis à lutter dans le projet scolaire pour augmenter un peu le sourire, créer l'espérance de vie et élargir l'horizon d'un avenir souriant pour notre population.

Les élèves qui étudiaient dans des salles de classes en paille, sans portes ni fenêtres, livrés à la merci des vents et du froid, peuvent aujourd'hui bénéficier d'un cadre matériel de salles de classes agréables, d'une cour scolaire propre, d'un nombre suffisant de toilettes scolaires propres, d'un tableau scolaire large et visible, d'un mobilier scolaire où ils peuvent aisément s'asseoir plusieurs heures et écrire convenablement. Toutes ces améliorations matérielles apportent un peu plus de dignité humaine élémentaire. En soutenant ce programme de construction des écoles, la Fondation Bridderlech Deelen a pris une part active à une œuvre de revalorisation de l'enfant dans sa dignité, à une œuvre d'humanisation de ceux qui vivaient et étudiaient dans des conditions matérielles « infra-humaines » ou du moins inférieures au minimum requis pour tout être humain normalement. De même les femmes, grâce au programme d'alphabétisation, ont pu récupérer leur dignité humaine qui leur était déniée pour n'avoir pas eu, dans leur jeunesse, l'occasion voire le droit d'aller à l'école, autrefois réservé aux garçons, privilégiés dans ce sens par rapport aux filles dans le contexte rural.»

 

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