En effet, si on compare la période de janvier à août des années 2018 et 2019, on constate une augmentation de 88% des feux dans les territoires indigènes du Brésil. Entre janvier et août 2019, 9.078 foyers d’incendie ont été recensés dans 274 réserves indigènes. Pendant la même période en 2018, on a compté 4.827 feux. On constate que non seulement le nombre d’incendies a augmenté, mais aussi le nombre de réserves affectées s’est accru, passant de 231 territoires en 2018 à 274 en 2019, soit une augmentation de 18,6%.
Ici vous pouvez agrandir la carte : https://cimi.org.br/2019/09/focos-incendio-terras-indigenas-aumentaram-88-2019/
Les peuples indigènes s’organisent pour combattre les feux, souvent sans l’aide du pouvoir public, comme p.ex. les responsables de la Terre Indigène Krahô Kanela, un territoire plutôt petit (7.000 hectares), localisé près de l’Île du Bananal (voir flèche ci-dessus), mais qui est emblématique pour tant d’autres populations indigènes. Les Krahô Kanela nous ont informés de leur lutte acharnée contre les foyers d’incendie : « Nous nous sommes attaqués aux flammes sur 22 kilomètres et maintenant l’incendie se situe à seulement 2 km de notre village. Ce n’est pas encore terminé. La situation est très déprimante : il y a beaucoup de destruction et beaucoup d’animaux morts », raconte Wagner Krahô Kanela. Des équipes de pompiers Javaé, Karajá et Xerente sont arrivées à cette réserve indigène pour les aider à lutter contre le feu. Malheureusement, la dernière actualisation constate que déjà 95% du territoire Krahô Kanela a été victime des flammes.
Face à cela, Wagner Krahô Kanela souligne : « Nous avons chez nous des équipes de pompiers entraînées, mais nos amis indigènes (les groupes isolés, sans contact) n’ont aucune protection. »
Probablement tout le monde est au courant que, depuis août 2019, le nombre impressionnant d’incendies en Amazonie a propulsé le Brésil dans le focus international. Lors de la réunion G7 en France différentes organisations de la société civile ont publié un document prouvant que le président Jair Bolsonaro a déclaré publiquement l’impunité en ce qui concerne ces crimes environnementaux (lien vers cet article du CIMI). Pedro A. Ribeiro de Oliveira, sociologue et membre de la coordination du Mouvement National de Fé e Política, a également averti que la question climatique affecte l’Amazonie et d’autres écosystèmes, mais que les feux sont surtout le résultat d’une politique choisie délibérément. Il s’agit de transformer les biens communs que constituent les forêts amazoniennes, les fleuves et finalement les territoires qu’ils occupent en capital monétaire pour quelques-uns.
On se rappelle ici l’encyclique Laudato Si’ de Pape François : La faiblesse de la réaction politique internationale [vis-à-vis du changement climatique] est frappante. La soumission de la politique à la technologie et aux finances se révèle dans l’échec des Sommets mondiaux sur l’environnement. Il y a trop d’intérêts particuliers, et très facilement l’intérêt économique arrive à prévaloir sur le bien commun et à manipuler l’information pour ne pas voir affectés ses projets. En ce sens, le Document d’Aparecida réclame que « dans les interventions sur les ressources naturelles ne prédominent pas les intérêts des groupes économiques qui ravagent déraisonnablement les sources de la vie ».[32] L’alliance entre l’économie et la technologie finit par laisser de côté ce qui ne fait pas partie de leurs intérêts immédiats. Ainsi, on peut seulement s’attendre à quelques déclarations superficielles, quelques actions philanthropiques isolées, voire des efforts pour montrer une sensibilité envers l’environnement, quand, en réalité, toute tentative des organisations sociales pour modifier les choses sera vue comme une gêne provoquée par des utopistes romantiques ou comme un obstacle à contourner. (LS 54)
Alors qu’un déboisement de l’Amazonie susciterait d’énormes critiques partout au monde et serait soumis à d’importantes pressions externes, le fait accompli de milliers d’hectares de forêt calcinée laisse aux grandes entreprises la possibilité de se présenter comme sauveurs de ces indigènes qui ont tout perdu, en leur proposant de prendre en location les terres indigènes brûlées afin d’y installer leur agrobusiness en toute impunité.
Photos et graphique: © CIMI
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