Depuis la crise sans précédents au Burundi en octobre 1993, la population est victime de massacres, pillages et destructions. Beaucoup d'enfants se retrouvent sur la route, traumatisés, isolés et orphelins après le massacre de leurs parents et familles. Depuis la démilitarisation, environ 14.000 enfants soldats ont été démobilisés et se voient confrontés à leur nouvelle situation de civils. Beaucoup d'entre eux ont entendu parler de la Maison Shalom et espèrent y trouver refuge. La Maison Shalom est un centre d'accueil fondé par Madame Maggy Barankitse ensemble avec le diocèse de Ruyigi et accepte sans distinction ethnique les enfants vulnérables venant du pays entier.

 Racontez-nous en quelques phrases l’historique du projet dans lequel vous travaillez.

En automne 1993, le Burundi vit dans le malaise. A Ruyigi, la catastrophe éclate le 24 octobre. Pour se venger des tueries contre leur ethnie, des Tutsis cherchent les Hutus de la ville. Ces derniers s'étaient cachés dans les bâtiments de l'évêché. Maggy (Barankitse, fondatrice et présidente de la Maison Shalom) est là aussi.  Elle tente d’empêcher ce carnage, mais malheureusement on ne l’écoute pas. Soixante-douze personnes périssent dans cette violence innommable. Malgré tout, Maggy réussit à sauver 25 enfants des bourreaux. Avec les 25 enfants rescapés elle trouve refuge dans la maison d’un coopérant allemand, Martin, jusqu’en mai 1995. C’est alors qu’elle déménage avec ses enfants dans une ancienne école de métiers appartenant à l’Evêché de Ruyigi.

Soutenue par ses amis, tant nationaux qu’internationaux, Maggy a résisté à toutes les difficultés et a continué à élever avec amour les nombreux enfants en difficulté. A partir de 1998 la Maison Shalom commence à avoir une renommée internationale notoire, ce qui a été marqué par l’octroi de la Médaille de Défenseur des Droits de l'Homme attribué par le gouvernement français à sa fondatrice, Maggy. Depuis lors, plus de 24 distinctions ont été octroyées à Maggy, y compris le Prix Nobel des Enfants en 2003. En 2002, la Maison Shalom se dote de ses statuts en tant qu’Association sans But Lucratif.

Depuis le début jusqu’à nos jours, la Maison Shalom a aidé plus de 20.000 enfants de toutes ethnies avec diverses difficultés. Plusieurs infrastructures ont été construites: des services restauration et hébergement, un excellent centre socioculturel, un hôpital moderne, des petites fermettes, un garage, des petites maisons (fratries) pour les enfants et jeunes... Tous ces projets visent un seul but : développer un environnement familial et communautaire sain favorisant un épanouissement intégral de chaque enfant.

 Quels sont les axes du projet soutenus par la Fondation Bridderlech Deelen ?

Parmi les axes d’intervention de la Maison Shalom, la Fondation Bridderlech Deelen soutient les volets suivants : la scolarisation, la formation professionnelle (formation en mécanique automobile, plomberie, couture, électricité et menuiserie), la réinsertion des orphelins et autres enfants vulnérables dans leurs familles, le volet agropastoral  (par l’appui de la formation en agri-élevage et la distribution de semences) et le développement institutionnel (par son appui aux formations du personnel, Bridderlech Deelen contribue au renforcement des capacités de l’équipe de la Maison).

 Quels axes faudrait-il encore introduire dans ce projet, afin que la dignité humaine soit assurée complètement?

Il faudrait introduire des coopératives populaires afin que la population puisse unir les forces pour lutter conter l’extrême-pauvreté qui est à la base de la plupart des misères que connaissent nos bénéficiaires. Mettre sur pied des mutualités de santé pour permettre  même aux plus démunis d’accéder aux soins de qualité. C’est triste de voir un patient renvoyé d’un hôpital public parce qu’il n’a pas de quoi payer, ou voir un atrophié emprisonné dans un hôpital parce qu’il ne sait pas payer la facture pour les soins dont il a bénéficié !

 Depuis quand la Maison Shalom travaille-t-elle avec Bridderlech Deelen et comment est né ce partenariat?

 La construction (en 2000) et  l’électrification (en 2002) de 20 fratries, constituent le début du partenariat entre la Maison Shalom et la Fondation Bridderlech Deelen, qui a ainsi  soutenu la réinsertion sociale de quelque 150 enfants orphelins des conflits ethniques. En 2001-2002, Bridderlech Deelen a appuyé les activités d’encadrement des jeunes vulnérables en agri-élevage.  La fondation a continué ces divers appuis ponctuels jusqu’en 2004. A partir de cette année-là, la Maison Shalom a travaillé sur base d’un partenariat prolongé avec Bridderlech Deelen en vue de soutenir l’encadrement des enfants soldats démobilisés et d’autres enfants vulnérables par l’enseignement en métiers, l’éducation à la paix et la résolution pacifique des conflits. Depuis 2004 et jusqu’en 2014, selon les prévisions, ce projet est soutenu par le Consortium « Promotion de la Paix » de Caritas et Bridderlech Deelen.

 Quel est un de vos souvenirs les plus précieux dans votre travail ?

C’était en 2006 quand un jeune de 16 ans arrive à la Maison Shalom. Tout ce qu’on connaît de ce jeune, en plus de quelques photos qu’il porte sur lui, c’est  son prénom : Innocent. Il ne peut pas s’exprimer et ne peut donc pas fournir des renseignements sur son identité. Il avait été hospitalisé au Congo pour épilepsie et traité par Médecins Sans Frontières. Comme il n’avait personne pour s’occuper de lui, Médecins Sans Frontières l’ont amené à Maggy et à la Maison Shalom. Innocent avait un nom de famille, qu’on lui avait certainement donné par ignorance de son véritable nom : Mburumbonye, un nom kirundi mais qu’on ne donne à personne au Burundi. Ce nom à laissé penser aux assistants sociaux qu’Innocent était burundais même si d’autres pensaient qu’il était congolais, parce qu’il avait été retrouvé au Congo. Bien que personne ne connaisse ses origines et qu’Innocent ne parlait pas, les assistants sociaux ont eu le courage et la persévérance de chercher  sa famille, en demandant aux habitants des provinces limitrophes de la région d’où il était venu et en décrivant Innocent tout en montrant les photos. Ce fut donc une grande joie quand la famille du garçon a été retrouvée à Mugina en Province Cibitoke. La famille était heureuse de le retrouver alors qu’elle le croyait mort et les assistants sociaux étaient enchantés de voir une recherche familiale si difficile aboutir avec une si belle fin. Ils avaient le sentiment que tout est possible quand on a la détermination d’avancer malgré les obstacles.

 Parlez-nous d’une époque difficile, en relation avec votre travail, qui vous a particulièrement marquée.

En 2008, la Maison Shalom a vécu une situation d’impasse. L’enseignement des métiers ne concernait que les enfants soldats démobilisés et on s’est vite rendu compte que cela vexait la communauté: les gens voyaient dans cette formation une manière sournoise de récompenser les jeunes qui avaient pris les armes. C’était une vraie menace pour la Maison Shalom qui redoutait des actes de sabotage de la part de la société. Comme la Fondation Bridderlech Deelen a bien compris cette situation et a accepté d’intégrer les autres enfants vulnérables en plus des enfants soldats démobilisés dans le projet, la Maison Shalom est sortie de cette impasse et les esprits se sont apaisés.

 Qu’est-ce qui vous anime et vous inspire quotidiennement à continuer sur cette voie, malgré toutes les difficultés que vous ne cessez de rencontrer ?

Ce qui permet de transcender les difficultés dans le travail quotidien et ce qui nous motive à toujours aller de l’avant, c’est avant tout l’impact de nos actions sur nos frères et sœurs en difficultés, sur les bénéficiaires. Voir par exemple une fillette presque complètement décapitée guérir de ses blessures, grandir, fonder sa famille, avoir une identité, un chez-soi et mener une vie autonome est une source d’inspiration très forte ! Tout ceci nous remplit d’une foi inébranlable en un avenir meilleur, peu importe la misère dans laquelle se trouve le bénéficiaire potentiel. L’amitié et le soutien incessant de nos amis et partenaires locaux et internationaux sont une autre grande source de détermination d’aller toujours de l’avant. Quand nous voyons le dévouement de nos partenaires, les efforts fournis pour nous aider à accomplir notre mission, l’amour avec lequel ils soutiennent nos projets qui bénéficient à nos frères et sœurs qu’ils ne connaissent même pas, cela nous interpelle beaucoup. Nous comprenons que nous n’avons aucune excuse de rester indifférents devant nos proches en difficulté. L’expérience est une source de confiance – l’œuvre de la Maison Shalom a commencé dans des moments très durs. Elle a connu des moments extrêmement difficiles au cours de son histoire. Mais rien de tout cela ne l’a empêchée de continuer à prospérer et à grandir. Nous avons fini par croire que toute situation difficile finit toujours par trouver une bonne solution, comme par providence. Cela nous permet d’affronter les défis quotidiens avec courage.

 Croyez-vous contribuer à une vie en paix et à la diminution de la violence au Burundi à travers votre projet ?

Bien évidement. Depuis le jour de sa création, la Maison Shalom a appris aux enfants d’ethnies différentes à cohabiter pacifiquement alors que partout dans le pays les compatriotes s’entredéchiraient pour des prétextes ethniques. Par la formation professionnelle des ex-femmes combattantes, ex-enfants soldats, des jeunes de la rue et des délinquants, la Maison Shalom contribue à réduire considérablement la violence. Ce soutien détourne les jeunes de mauvaises habitudes (consommation de stupéfiants, vagabondage sexuel, banditisme, ...). Nombre de conflits sont engendrés par la pauvreté extrême dans laquelle vit la population. Par les différentes initiatives de la Maison Shalom qui visent à développer la communauté, elle contribue à la réduction des violences et au retour à la paix.

 Qu’en est-il de la durabilité du projet après que la Fondation Bridderlech Deelen (ou d’autres bailleurs de fonds) se retirent ?

Dans toutes ses activités quotidiennes, la Maison Shalom essaie de développer des sources de revenus internes afin de devenir autonome. En plus, elle met aussi un accent particulier sur la sensibilisation de la communauté pour que celle-ci s’approprie de  l’œuvre « Maison Shalom ».

Merci, Richard, pour cet entretien.

 

 


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