DSC 0432ps web« Qualité de vie » et patrie - notre interview avec Maggy Barankitse

partage.lu soutient depuis de nombreuses années les projets de Maison Shalom-Burundi. Depuis 2015, Maison Shalom a été fermée par le gouvernement burundais et le staff, menacé de mort, a dû se réfugier au Rwanda. Au Rwanda, nous soutenons le travail de Maison Shalom pour permettre aux jeunes réfugiés de retourner aux études, que ce soit au secondaire, à l'université ou en apprentissage de métiers. Pour en savoir plus, référez-vous à notre page-projet.

Nous avons rencontré la présidente de Maison Shalom, Maggy Barankitse, autour du thème « qualité de vie » et patrie.

Maggy, que signifie pour toi « patrie » ?
La patrie est la terre de nos pères. Elle a une importance primordiale, car c’est elle qui nous donne notre identité. C’est un cadeau que Dieu nous fait, d’appartenir à un peuple. La patrie est comme une maman. Maintenant que je vis en exil, hors de ma patrie, je me rends compte, que tout ce que je fais, c’est pour que ma patrie, le Burundi, recouvre sa dignité. Ma patrie est une partie de moi, partout où je vais, je représente ma maman, le Burundi. Mon pays est ma famille – « pour toi Israël, je ne me tairai pas », je ferai comme Isaïe (62,1), pour ma maman le Burundi, je ne me tairai pas. Le Burundi est une partie du cadeau que Dieu fait à l’humanité, il nous a donné tout ce monde. Donc, je suis aussi citoyenne du monde, non pas seulement du Burundi. Maintenant que je suis apatride, sans papiers de mon propre pays, je blague souvent lors de visite dans d’autres pays, en disant, est-ce que vous ne voulez pas me donner une nationalité ? Mais, on sait très bien, que ce ne sera que ma deuxième nationalité, car la première restera toujours celle du Burundi. Et puis, où que j’aille, dès qu’on prononce mon nom de famille, Barankitse, tout le monde sait, celle-là est d’origine Burundaise. Même Jésus a dû naître quelque part, dans un lieu précis, tu vois, même Dieu a eu besoin d’appartenir à une patrie.
Mais, il ne faut pas être chauviniste, il faut cohabiter pacifiquement avec tout le monde. Vous en êtes un bel exemple au Luxembourg. Votre terre est petite, mais vous la partagez tout le temps avec les Italiens, les Portugais, les Capverdiens, les Espagnols et tant d’autres. Ils deviennent Luxembourgeois, mais vous savez honorer leurs origines. Cela est important, car si une personne oublie ses racines, on dit bien qu’elle est déracinée !

Tu voyages de par le monde entier, on dirait, que souvent tu n’as pas où reposer ta tête. Est-ce que tu peux te sentir chez toi ailleurs qu’au Burundi ?
Ma mère et mon grand-père, qui étaient patriotes, m’ont donné l’amour de ma patrie, le Burundi. Mais Dieu m’a confié une mission sublime : aller par le monde et annoncer les merveilles de Dieu. Que je sois ici au Luxembourg, ou au camp de réfugiés de Mahama au Rwanda, ma mission reste la même. Bien sûr le Burundi me manque, j’aurais préféré aller de par le monde accomplir ma mission, mais rentrer le soir chez moi. Cet exil est un temps de purification pour moi.
Mais Dieu a transformé cette souffrance en mission extraordinaire : consoler mes frères et sœurs burundais qui sont devenus apatrides, pour leur dire : restez debout. Tôt ou tard on rentrera au Burundi. « Vers toi terre promise, le peuple de Dieu tend les bras » (n.d.l.r. Chant d’église de David Julien) Je le chante parfois, lorsque j’accompagne les gens vers un endroit du Rwanda, où ma patrie le Burundi n’est qu’à 30 kilomètres. Alors, je regarde vers mon pays et il me manque… Mais, je résiste à la tristesse, même si je n’ai pas où reposer ma tête, car Jésus dit, « que celui qui veut me suivre prenne sa croix » (Luc 9,23). Donc, je prends aussi ma croix, sachant très bien que je la dépose sur les épaules du Christ. Et je n’ai pas l’air de quelqu’un qui est fatigué de l’exil, mais, je me dis que je suis là pour étudier comment reconstruire la vie de tous ces jeunes et comment retourner à notre pays pour reconstruire notre patrie.

Vue global 2Quelle importance accordes-tu à la patrie/au chez soi si on parle de « qualité de vie » ?
C’est une utopie de parler de « qualité de vie » dans un camp de réfugiés. On ne peut pas vivre sous une tente, ne pas avoir à manger, attendre la générosité du HCR (n.d.l.r. Haut-Commissariat pour les Réfugiés de l’ONU), du PAM (n.d.l.r. Programme Alimentaire Mondial), de Save the children, de l’Unicef et parler de « qualité de vie ». La situation de ces gens reste précaire, malgré les organisations qui sont présentes pour les aider. Les camps resteront toujours un mal nécessaire, mais c’est un mal. Parce que les réfugiés doivent à chaque fois demander la permission, s’ils souhaitent sortir du camp. Si, comme personne extérieure, on veut y entrer, il faut écrire des lettres … C’est comme une prison.
En plus, la plupart d’entre eux ne dispose plus de papiers d’identité valables. Mais ils ne peuvent pas retourner au pays, pour les refaire (n.d.l.r. sinon ils risquent prison, torture ou pire pour avoir fui), donc ils n’ont plus de papiers, ils sont apatrides comme moi. Le droit à la patrie de ces gens a été bafoué, il leur a été retiré. Il faut le crier haut et fort ! Dans de telles situations, il n’y a pas de qualité de vie. Le fait d’empêcher des personnes d’avoir des papiers, c’est leur retirer le droit le plus existentiel d’avoir une patrie. Être sans patrie est un mal, un grand mal. Chaque individu a besoin d’une patrie, on ne peut pas exister sans patrie.

Peut-on dire que les initiatives menées par Maison Shalom au Rwanda, notamment la création de l’Oasis of peace, aident les réfugiés burundais à se sentir un peu moins loin de leur patrie ?
Vous ne savez pas combien le Centre que nous avons créé, l’Oasis of Peace, est un « chez eux » pour les réfugiés Burundais. Ils disent même, s’ils ont un problème et qu’ils viennent nous voir à l’Oasis, « nous nous rendons à notre ambassade ». Mon rêve était, qu’on puisse y manger burundais, danser nos danses traditionnelles, jouer du tambour burundais – et cela s’est réalisé. C’est devenu un lieu de restauration de la vie pour les jeunes et un lieu de guérison des mémoires. Nous avons baptisé les arbres du Centre : il y a l’arbre de l’amitié où les jeunes se réunissent pour prendre un verre, il y a les arbres de la contemplation, où on a une vue sur toute la ville de Kigali, il y a l’arbre des palabres où on se réunit, quand on a des conflits. Et puis il y a l’arbre des lamentations, où on s’assied pour écouter les mamans qui ont été violées et les jeunes torturés – et on pleure.
On y accueille aussi les Congolais qui se sont réfugiés au Rwanda. L’Oasis est en train de devenir un Centre pour les Grands Lacs, c’est un lieu de guérison pour toutes les souffrances de la région. C’est devenu un lieu de rencontre pour tous les réfugiés au Rwanda. C’est devenu aussi une inspiration pour les Rwandais. Je voudrais en faire un Centre International, qui donne naissance à une nouvelle génération. Pour rêver comment en arriver à casser le cycle de violence que tous les pays de la région connaissent.

Est-ce que pour toi ta foi est une patrie intérieure que tu emportes partout ?
Avec ma foi, je suis une citoyenne céleste. Ici-bas, nous ne sommes tous que des pèlerins. On n’emporte rien. Nous devons considérer que nous ne sommes que de passage. L’essentiel, ce que personne ne peut nous ravir, c’est le ciel. Le ciel est la meilleure patrie. Notre mission sur terre est de faire de cette terre un paradis, qui nous permet déjà de goûter les merveilles que nous allons partager dans l’au-delà. Nous sommes donc en préparation et on pourrait faire de ce monde un paradis, si on avait compris notre mission. Mais pour l’instant, nous ne sommes que pèlerins, nous ne sommes que de passage vers l’au-delà, qui est merveilleux et que je vois à travers mes yeux de foi. Et c’est pour cela que je sais, que « rien ne nous séparera de l’amour de Dieu ». (Romains 8,39)

Maggy, nous te remercions pour cet entretien très touchant.

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